jeudi 30 mai 2019

30 mai


Sainte Jeanne d'Arc et saint Michel

hérauts de l'amour de la Patrie.


  



                        Lorsque Jeannne d'Arc entendit une « voix » céleste lui donner mission de « venir au secours du Roi de France », son univers s'illumina d'une clarté surnaturelle,  rayonnant jusque dans l'ordinaire  de sa vie naturelle, ce dont elle témoigna lors de son Procès le jeudi 22 février 1431, en la salle de parement du château de Rouen :

            « - Quand j'eus l'âge de treize ans, j'eus une voix de Dieu pour m'aider à me gouverner. Et la première fois, j'eus grand peur. Et vint cette voix environ l'heure de midi, au temps de l'été, dans le jardin de mon père. Je n'avais pas jeûné la veille. J'ouïs la voix du côté droit de l'église, et rarement je l'ouïs sans clarté. En vérité il y a clarté du côté où la voix est ouïe, il y a communément une grande clarté. Quand je vins en France, souvent j'entendais cette voix »

                       

                        Ce joyau d'une communication mystique par laquelle le Ciel interfère dans le déroulement des affaires terrestres, est manifestement enchassé dans un espace bien déterminé, à un moment précis de l'histoire. Aussi, ce qui semblerait devoir échapper à l'emprise  des contingences  physiques et psychiques ordinaires, y est, au contraire, bien enraciné. Dieu révèle ainsi que les réalités éternelles et celles de ce bas monde subsistent dans une relation paradoxale et mystérieuse, faisant comparaître :

            -l'immanence à la lumière de la transcendance,

            -le donné au regard du don,

            -le mercantilisme du langage autocentré à la gratuité du Verbe Créateur.



                        Cette affirmation d'une voix céleste, audible ici-bas, nous rappelle le précédent de la « voix dans le désert » annonçant le Précurseur sur un présentoir historico-géographique : « La quinzième année du règne de Tibère-César, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode Tétrarque de Galilée, Philippe son frère, Tétrarque d'Iturée et de Trachonitide etc... » (cf. Lc. III, 1-2 ).  Cette accumulation de précisions factuelles tendait  à écarter  toute interprétation subjective du phénomène auditif en confirmant  la réalité objective de cette « voix » si déterminée dans le temps et l'espace.



                        Or la première raison que Jeanne attribue à la dite voix est de « l'aider à se gouverner ». Relevons ici son parallèle avec l'expression du Créateur qui, après avoir noté qu' « il n'est pas bon que l'homme soit seul », concluait « il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie » (Gn. II, 20). Précisons cette notion d'aide : nous savons que lorsque le Seigneur crée l'être humain « à son image – à l'image de Dieu, il  le crée homme et femme ». Ceci vise, non pas la simple génitalité reproductive dont tous les animaux sont déjà pourvus, mais, bien au-delà, une sexualité qui élève l'être humain au niveau d'une « image de Dieu » dans sa dimension de personne, sujet de relation. En effet, après avoir dû nommer tous les animaux, l'homme  constata ne pas y avoir trouvé « d'aide qui lui fut assortie ». Intervint alors la création de la femme, avec l'aide de laquelle l'être humain put désormais vivre en véritable « image de Dieu » c'est-à-dire en « personne » libérée de son individualisme animal, de sorte que l'évanescente cité humaine reflétât joyeusement l'éternelle paix divine.

            Hélas les constitutions actuelles de nos sociétés ne veulent  considérer que l'individu, entité  manipulable, et non  la personne dont elles devraient alors respecter la dignité. Or, sous la conduite de saint Michel, Jeanne devient le héraut du salut de la patrie terrestre, par amour de la Patrie Céleste. C'est pourquoi  chacun peut reconnaître dans sa vie l'archétype de l'amour de la « terre des pères », image incarnée de celui que les Saints du Paradis rendent au Roi des Cieux.



            Ainsi la geste de Jeanne «  au secours du roi de France » porte au-delà de la France et fait de la Pucelle d'Orléans l'Institutrice, pour ne pas dire l'Apôtre, de l'amour de la patrie terrestre, d'une patrie charnelle bien enracinée dans sa culture propre, aux antipodes de toute uniformisation totalitaire.

            Or l'amour du prochain n'est jamais si bien trahi que par sa parodie envers l'étranger, surtout lointain, qui dispense de toute vraie miséricorde ; de même, l'amour proclamé de la terre entière semble l'hypocrisie idéale pour s'abstenir d'aimer sa propre patrie. Comment avons-nous pu oublier, jusque dans les hautes hiérarchies, que le Sauveur s'est incarné dans un peuple déterminé, mais non chez son voisin, et en a observé avec soin les mœurs propres jusque dans leurs particularismes culturels ou  cultuels ? [cf. « Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël »( Mt.XV, 24)].



                        Pour que l'amour de notre patrie charnelle soit effectivement « l'image ressemblante » de celui des Saints envers leur Père Céleste, encore doit-il être pur de toute haine à l'encontre de l'adversaire combattu. Tel fut bien l'exemple donné par Jeanne au long de son épopée guerrière.

             Ainsi de sa première sommation aux Anglais au sortir de « l'examen de Poitiers » :  - «  Vous, Suffort, Classidas et la Poule, je vous somme, de par le Roi des Cieux, que vous vous en alliez en Angleterre » [Cf.  Jeanne d'Arc par elle-même et par ses témoins – de Régine Pernoud, au Livre de vie, Ed. du Seuil p. 63]

            Puis lors de la campagne d'Orléans, le 5 mai 1429, sa troisième sommation :

                    « Vous, Anglais, qui n'avez aucun droit sur le royaume de France, le Roi des Cieux vous ordonne et mande par moi, Jeanne la Pucelle, que vous quittiez vos forteresses et retourniez  dans votre pays, ou sinon, je vous ferai tel « hahay » dont sera perpetuelle mémoire » (idem p. 100).

            Lors de la prise des Tourelles qui libère Orléans, ce témoignage de Jean Pasquerel :

                    «  Jeanne revint à l'assaut, criant et disant :  « - Classidas, Classidas, rends-toi, rends-toi au Roi des Cieux ; tu m'as appelée « putain », moi j'ai grand pitié de ton âme et de celles des tiens ». Alors Classidas, armé des pieds à la tête, tomba dans le fleuve de Loire et fut noyé. Et Jeanne, émue de pitié, commença à pleurer beaucoup sur l'âme de ce Classidas et des autres noyés en grand nombre » ( idem p. 105 ).

                    Comment résumer ce qui précède, sinon par le grief qu'elle oppose aux Anglais devant les juges de Rouen : - «  Que ne partaient-ils de France, et ne retournaient-ils pas en leur pays ? » répond-elle à Jacques de Touraine qui l'interroge.



                        C'est précisément pour avoir su montrer concrètement que l'amour préférentiel des siens, loin d'être une dévalorisation des autres, est essentiellement une volonté, incarnée dans le réel, du bien commun de son propre pays, en ses trois dimensions :

-     la forme, ici la culture propre à chaque patrie,

-     la mesure, qui permet la survie de la dite forme, fût-ce au prix de son propre sacrifice,

-     l'ordre, amour allant du plus faible au plus fort ; du plus proche au plus éloigné.



            Le mondialisme, qui n'est que le rejet désordonné et démesuré de toute forme propre, étant exclu, l'épopée de Jeanne s'offre en exemple d'amour de la patrie, à toutes les patries terrestres. D'autant que le premier promoteur de cette cause fut paradoxalement ce seigneur anglais  s'exclamant spontanément lors du Procès de Rouen le 27 février 1431:

                    « Vraiment c'est une bonne femme ! que n'est-elle anglaise ! »



Alors pourquoi pas sainte Jeanne d'Arc docteur et patronne de l'amour de la patrie ?


GF MGE CSMA

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